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Calculateur de charge en bétail.
Par Clémentine POIRIER, stagiaire Agronome, Agrosup Dijon (France)
et Marc PHILIPPOT, agriculteur à Manhay et concepteur du calculateur.


Historique


Lors de la mise en place du pâturage extensif sur ses terrains, Mr PHILIPPOT a rapidement constaté que des règles empiriques telle que « autant d'hectares par animaux » étaient beaucoup trop imprécises et conduisaient à de gros problèmes : pertes de poids des animaux non contrôlées en hiver, bris de clôture par les animaux pour aller sur les parcelles voisines, surpâturage de certaines parcelles, difficulté de comparer la pression du pâturage hivernal par rapport au pâturage estival...

Pour éviter un tâtonnement empirique afin d'améliorer sa gestion, il a développé un simulateur permettant de modéliser la hauteur de la végétation et le poids des animaux de semaines en semaines au fil des saisons. Ce simulateur provisoire a été validé par suivi photographique de parcelles témoins et suivi des mensurations des animaux.

Ce simulateur étant assez lourd d'usage, il en a synthétisé une version simplifiée qui a débouché sur le calculateur décrit ci-après. Ce calculateur est utilisé avec succès depuis plusieurs années pour lui permettre de planifier les périodes de pâturage de ses sites. Depuis l'usage systématique du calculateur, les problèmes ci-dessus n'ont plus jamais été rencontrés, de plus, ce calculateur fournit une mesure normalisée de la charge, permettant de comparer le pâturage sur terrains riches ou pauvres, ou encore de comparer des pâturages exercés à différentes saisons.

NB : un logiciel plus complet et plus précis est actuellement en cours de développement sous Linux/Ubuntu, il comporte notamment un interface cartographique et la possibilité de gérer plusieurs sites et troupeaux simultanément...


Le principe de fonctionnement du calculateur

Ce calculateur fonctionne avec les tableurs classiques de bureautique tel que Calc d'OpenOffice sous Linux ou Windows, ou encore Excel sous Windows. Pour des raisons de portabilité, il est enregistré au format « .xls » (Microsoft Excel 97/2000/XP) utilisable sous de nombreux systèmes d'exploitation.


Cliquez sur l'image pour l'afficher dans Excel ou "Clic droit / Enregister la cible sous..." pour l'enregister sur votre PC

Le travail avec le calculateur se réalise en 3 temps :
  1. l'encodage des paramètres,
  2. les calculs réalisés par le logiciel,
  3. l'interprétation des résultats et l'adaptation des paramètres (nombre d'animaux, dates de pâturage) pour respecter les objectifs de gestion et les  besoins des animaux.
Ces 2 dernières étapes sont réalisées en boucle jusqu'à l'obtention de résultats satisfaisants.


1) Encodage des paramètres

Superficies productives des parcelles

Les deux premières colonnes identifient les zones de pâturage : entrez un numéro (colonne A) et un nom (colonne B).


Dans la colonne S entrez la superficie de chaque zone exprimée en hectares.

Dans la colonne T entrez la superficie des exclos éventuels de la zone exprimée en hectares, c'est-à-dire de zones non pâturées cette année là, notamment pour des raisons écologiques (papillons).

Dans la colonne U entrez la richesse de la zone en pourcentage, correspondant à la productivité par rapport à la "parcelle-type", de richesse 100%. La richesse d'une zone de pâturage est estimée par des observations sur le terrain, en comparaison avec cette parcelle-type de référence (comme expliqué précédemment).


La colonne V calcule la "superficie productive", correspondant à la superficie pâturée (en enlevant la superficie des exclos), à laquelle est appliqué le coefficient de richesse. On obtient ainsi la surface équivalente en "parcelle-type". C'est cette superficie qui sera utilisée pour les calculs suivants.

V5 = (S5 - T5) * U5 / 100   ...


Calendrier et répartition des périodes de pâturage

Les colonnes C à N constituent le calendrier : elles permettent de répartir les périodes de pâturage sans nourrissage dans l'année agricole (1 avril au 31 mars). Le temps passé sur une parcelle sans apport de fourrage est indiqué en mois.

Par exemple, si le troupeau passe 2 semaines en septembre sur la parcelle n°99, on notera 0,5 dans le mois de septembre pour la parcelle n°99 (case H12).


La colonne O donne la durée totale passée sur une zone.

La somme des durées doit donc faire 1 pour chaque mois (cette somme est calculée dans la ligne 13) si on ne nourrit pas. En cas de nourrissage, on ne comptabilise pas la durée passée sur la zone.

Par exemple, si le troupeau passe, en mai, 2 semaines avec nourrissage sur la parcelle n°1, et 2 semaines sans apport de foin, on notera seulement 0,5 dans la case D5.


Evolution du cheptel

Dans la ligne 3 entrez l'évolution du cheptel en nombre d'UGB à faire pâturer, selon la croissance des animaux, l'absence d'une jument mise à l'étalon, les ventes, les naissances… Comme il a été précisé précédemment, il est important de tenir compte de l'évolution du cheptel et de l'anticiper sur l'année pour pouvoir répartir les périodes de pâturage au mieux.

La ligne 14 calcule ensuite la quantité de foin nécessaire chaque mois au troupeau pour compléter le pâturage. Pour ce faire, on multiplie la durée sans nourrissage (convertie en jours) par le nombre d'UGB et par 7kg, car on considère qu'une UGB a besoin de 7kg de foin par jour.

D14 = (D13 - 1) * 30.5 * 7 * D3   ...


2) Calculs par le logiciel

A chaque modification d'une donnée ci-dessus, le tableau recalcule automatiquement pour chaque zone pâturée : la durée de nourriture disponible pour le troupeau (colonne P) et la charge normalisée (colonne Q), que l'on cherchera à moduler comme expliqué dans la partie "Adaptations". Les paragraphes ci-dessous expliquent l'ensemble des calculs effectués. La compréhension de ces calculs n'est pas indispensable à l'utilisation du Calculateur.



Besoins d'une UGB
La ligne 17 recense, pour chaque mois, la surface minimum de parcelle-type nécessaire à l'alimentation d'une UGB. Ces valeurs ont été estimées via le simulateur évoqué ci-dessus (voir « Historique »). Elles sont valables pour les Ardennes et traduisent la variation de production végétale de la parcelle tout au long de l'année. La moyenne sur l'année est de 0,39ha/UGB.mois , soit 5ha/UGB.an.
La colonne W donne, pour chaque zone, la surface minimale de parcelle-type nécessaire pour nourrir un animal (1UGB) pendant les périodes de pâturage choisies, cette surface s'exprime en Ha/UGB.

Par exemple, si le troupeau pâture la zone 2 pendant uniquement 0,25 mois en août : comme chaque animal a besoin de 0,22ha pour le mois d'août complet (ligne 17), il faudrait 0,25*0,22=0,06ha de parcelle-type pour le nourrir pendant une semaine d'août.
Si le troupeau pâture, en plus, la même zone pendant tout le mois de mai, il faut ajouter à ces 0,06ha les 0,39ha nécessaires en mai (ligne 17). Chaque UGB aura donc besoin de 0,06+0,39= 0,45ha de parcelle-type pour être alimentée suffisamment pendant ces 2 périodes de pâturage.

W5 = C5*C$17+D5*D$17+E5*E$17+F5*F$17+G5*G$17+H5*H$17+I5*I$17+J5*J$17+K5*K$17+L5*L$17+M5*M$17+N5*N$17  ....
c-à-d une moyenne pondérée du calendrier C..N5 par les besoins C..N17


Facteur saisonnier
Les données de la colonne W sont utilisées pour calculer le facteur saisonnier (colonne X). On calcule la surface minimale de parcelle-type nécessaire pour nourrir un animal pendant la durée qu'il passe sur une zone, sans tenir compte des périodes de pâturage. Cette surface est obtenue en multipliant par 0,39 (besoin moyen en ha de parcelle-type par mois) la durée totale (en mois) passée sur une zone (colonne O). Puis on fait le rapport entre ce résultat et les données de la colonne W.

X5=O5*100*0.39/W5    ...

Par exemple, si un animal pâture la zone 2 tout le mois de mai et 0,25 mois en août, on a calculé qu'il a besoin de 0,45ha de parcelle-type pour être alimenté suffisamment pendant ces 2 périodes. Il s'agit donc de la surface nécessaire en tenant compte des périodes de pâturage. Or, si l'on ne tient pas compte des périodes, pour 1,25 mois l'animal a besoin de 1,25*0,39=0,488ha en moyenne, car en moyenne 0,39ha sont nécessaires chaque mois. Le facteur saisonnier vaut donc 0,488/0,45=108%. Autrement dit, pour les périodes pâturées, les apports alimentaires de la zone équivalent à 108% des apports moyens sur l'année.

Les colonnes suivantes permettent, à partir du facteur saisonnier, d'évaluer les apports alimentaires d'une zone pour les périodes pâturées. Ces apports sont estimés en mois de pâturage, pour vérifier que la durée passée sur une zone ne dépasse pas la durée de pâturage qu'elle peut supporter.


Superficie normalisée d'une zone
La colonne Y donne la superficie normalisée en tenant compte du facteur saisonnier. La superficie normalisée est donc la surface équivalente en tenant compte à la fois des saisons de pâturage et de la productivité.

Y5 = V5 * X5 / 100   ...

Par exemple, les 3,18ha (en superficie productive: colonne V) de la zone 2, pâturés tout le mois de mai et 0,25mois en août, équivalent à 108% *3,18=3,43ha de superficie normalisée.

UGB moyen sur une zone
La colonne Z correspond au nombre d'UGB moyen sur une zone, en utilisant une moyenne pondérée entre la durée et le nombre d'UGB de chaque mois. Pour des cheptels très variables sur l'année, ce calcul peut avoir une grande incidence.

Z5 =(C5*C$3+D5*D$3+E5*E$3+F5*F$3+G5*G$3+H5*H$3+I5*I$3+J5*J$3+K5*K$3+L5*L$3+M5*M$3+N5*N$3)/O5 ...

Par exemple, la zone 2 a été pâturée tout le mois de mai par 2,5 UGB, et 0,25mois en août par 2,6UGB. Sur les 1,25 mois de pâturage, le nombre d'UGB moyen était donc de : (1*2,5+0,25*2,6) / 1,25= 2,52UGB.


Durée de pâturage disponible
La colonne P permet enfin de calculer la durée de pâturage disponible pour le troupeau sur les périodes pâturées (en mois). Pour ce faire, on multiplie le nombre d'UGB moyen par 0,39, ce qui donne la surface moyenne nécessaire au troupeau pour un mois. Puis on divise la surface normalisée par cette valeur pour obtenir le nombre de mois de nourriture disponible.

P5 = Y5 / (0,39 * Z5)   ...

Par exemple, on a vu pour la zone 2 que 2,5 UGB (en moyenne) ont pâturé 1,25 mois sur l'équivalent de 3,43ha de surface normalisée. Chaque mois, une UGB a besoin de 0,39ha de parcelle-type en moyenne, donc 2,5 UGB ont besoin en moyenne de 0,39*2,5=0,98ha de parcelle-type. La zone correspond à 3,43ha d'apports moyens, soit 3,43/0,98=3,5 mois de pâturage pour les 2,5UGB. La zone apporte donc 3,5 mois de pâturage, et les animaux pâturent 1,25mois : ils ne seront donc pas en manque de nourriture, on pourrait même les faire pâturer plus longtemps.

La durée passée sur une zone (colonne O) doit être inférieure ou égale à la durée de pâturage disponible de la zone (colonne P) pour une bonne santé des animaux.


Charge normalisée
Comme expliqué précédemment, la charge normalisée (colonne Q) donne la moyenne sur l'année du nombre d'UGB par hectare de surface normalisée. Elle tient donc compte de l'impact des saisons de pâturage, et de la productivité des parcelles.
Pour la calculer, on fait le rapport suivant : nombre UGB moyen sur une zone (colonne Z) / superficie normalisée (colonne Y). On obtient alors la charge normalisée pour la période pâturée. Pour obtenir la charge normalisée annuelle, on multiplie ce résultat par un douzième de la durée pâturée (colonne O).

Q5 = O5 * Z5 / (12 * Y5) ...

Cette charge permet de rendre compte de la pression de pâturage réellement exercée. Elle permet de comparer le pâturage sur terrains riches ou pauvres, ou encore de comparer des pâturages exercés à différentes saisons.

Le calendrier de pâturage et la charge normalisée sont les éléments clés pour adapter le pâturage aux objectifs écologiques de gestion des parcelles.


3) Adaptations

Les adaptations ont pour objectif, après le calcul de la charge normalisée, de faire tendre cette dernière en fonction des objectifs de gestion. Par exemple, une charge d'environ 0,15UGB/ha, voire de 0,1UGB/ha, est plus favorable aux papillons qu'une charge de 0,2UGB/ha, qui correspond à la charge maximale pouvant couvrir les besoins des animaux.

Les adaptations vont pouvoir porter sur :

Le calendrier : une modification des saisons de pâturage ou de leurs durées. Plusieurs essais permettent de trouver la meilleure combinaison.

Le nombre d'UGB : une vente, une naissance, une mise à l'étalon ou tout autre mouvement d'animaux peuvent avoir une influence sur la charge normalisée.

Le nourrissage : en cas de besoin, on peut envisager un nourrissage sur une zone parking de faible intérêt biologique ou comportant des plantes nécessitant une végétation rase (ex : la Walhenbergie, petite campanule gazonnante très rare). Dans ce cas, il faut reporter des zéros dans le calendrier aux périodes de nourrissage.

A noter : des acquisitions de terrains ou encore les conditions climatiques (périodes de neige) peuvent conduire à des modifications du calendrier en cours d'année. Personnellement, nous vérifions et adaptons notre planning de pâturage chaque mois.


Démarche classique pour trouver la solution optimale de pâturage :
  1. Entrez les superficies des différentes parcelles à gérer, ainsi que leur richesse et les éventuels exclos ;
  2. Entrez le calendrier idéal de pâturage ;
  3. Trouvez les UGB nécessaires pour avoir la charge normalisée souhaitée (0.1 à 0.2 UGB/ha selon que l'on désire une conservation ou une restauration...) ;
  4. Adapter le calendrier pour avoir un nombre d'UGB constant de mois en mois afin de ne pas devoir continuellement vendre/acheter des animaux ;
  5. Trouvez la superficie de la zone de parking nécessaire (charge normalisée à 0.2UGB/Ha) pour y mettre les animaux en dehors des périodes de gestions des parcelles ci-avant ;
  6. Déduire du calendrier les périodes de neige probables afin de déterminer le foin nécessaire pour le nourrissage ;
  7. Réduire le coût du projet en étalant les périodes de gestion afin de faire diminuer le nombre d'animaux, la surface parking et le foin nécessaire.
Cette simulation vous évitera bien des déboires !!!

Auteurs : Clémentine POIRIER & Marc PHILIPPOT - Version du 16/06/2012