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Impact du pâturage extensif sur la biodiversité des berges.

Synthèse.
L'interdiction de l'accès aux berges par le bétail en pâturage intensif pourrait permettre l'installation de corridors naturels le long des cours d'eau et renforcer de la sorte le maillage écologique en reliant des sites majeurs. Cependant, en absence de gestion, la biodiversité des berges restera faible, ou pire, ces corridors serviront de véritables "autoroutes" pour la progression de plantes invasives telle que la Balsamine de l'Himalaya.
L'étude ci-dessous conclut qu'un pâturage très extensif des berges (0.15UGB/Ha.an) avec des poneys primitifs est une alternative intéressante tant pour la qualité des eaux, que la stabilité des berges, que le contrôle des plantes invasives avec un bénéfice certain en terme de biodiversité.



Contexte.

L'accès aux cours d'eau par le bétail est interdit en pâturage intensif, et il n'est nullement question de remettre en cause cette interdiction dans le texte ci-dessous.

Mais cette même législation permet :  "Art. 8. La Direction territorialement compétente du Département de la Nature et des Forêts peut accorder aux personnes soumises à l’obligation prévue à l’article 16bis, alinéa 1er, de la loi du 28 décembre 1967 relative aux cours d’eau non navigables une dérogation à celle-ci pour les terres faisant l’objet d’un pâturage très extensif favorable à la biodiversité."
(MONITEUR BELGE du 31.10.2013 , 17 OCTOBRE 2013. — Arrêté du Gouvernement wallon organisant l’obligation de clôturer les terres pâturées situées en bordure des cours d’eau et modifiant diverses dispositions).

C'est ce genre de pâturage que nous pratiquons dans la vallée de l'Aisne en coopération avec le DNF (Edwin DUFAYS & Roger CORNET), le Contrat de Rivière Ourthe (Pierre PIROTTE) et NATAGRIWAL (Serge ROUXHET), notamment pour lutter contre une plante invasive : la Balsamine de l'Himalaya. Toujours dans l'esprit de cette législation, voici les conditions dans lesquelles le pâturage est effectué :
1) Faible charge en bétail de l'ordre de 0.15 UGB/Ha.an
2) Pâturage avec des poneys primitifs de race Fjord :
* ne pataugent pas dans l'eau par temps chaud au contraire des bovins : pas de suspension des limons, ni de défécation dans l'eau ;
* un seul sabot large par pieds : pression au sol plus faible qu'avec des bovins ou des ovins : pas d'effondrement des berges ou des digues.
Si la qualité de l'eau ne semble pas atteinte, il restait cependant à vérifier que le pâturage extensif n'était pas néfaste à la biodiversité des berges...


Auteurs de l'étude.

Cette étude de la biodiversité des berges a été confiée à Coralie HUBERTY, étudiante à la Haute Ecole de la Province de Liège - Département Agronomique - La Reid, dans le cadre du mémoire en vue de l’obtention du titre de Bachelier en Agronomie - Finalité Environnement - Année académique 2012-2013 : « L’impact du pâturage extensif sur la biodiversité au niveau des berges  », maître de stage Emmanuelle CHAVET, encadrement Marc PHILIPPOT, professeur superviseur Eric CASAGRANDE.


Objectifs de l'étude.
Répondre aux questions suivantes :

1) Action du pâturage extensif sur la Balsamine de l'Himalaya :

- si pas d'action, alors le pâturage est inutile ;
- si l'invasive disparaît, alors un pâturage de restauration doit être appliqué quelques années jusqu'à disparition de l'invasive, ensuite il peut être relâché ;
- si l'invasive régresse, alors le site doit être géré par pâturage extensif "ad vitam" si on ne veut pas que la Balsamine reprenne de l'ampleur après arrêt du pâturage...

2) Y a-t-il disparition d'espèces rares en cas de pâturage extensif ?

3) Quelles sont les espèces indicatrices d'un bon état de biodiversité des berges ?

4) Comparer 4 méthodes de "mesure" de la biodiversité et déterminer laquelle est la plus adéquate pour suivre la restauration de berges.

5) Le pâturage extensif a-t-il une action positive ou négative sur la biodiversité des berges ?

6) Quelles sont les types de gestions qui dégradent les berges.

7) Définir les lignes directrices d'une gestion optimale des berges.


Méthodologie.

Nous avons étudié 11 tronçons de berges, d'une longueur d'environ 50m chacun, en prenant soins de les choisir par paire : un tronçon pâturé et son homologue non pâturé, à proximité et dans le même type de milieu ; ceci afin de déceler les différences entre pâturage et abandon... Nous avons également choisi un éventail de durées depuis laquelle le tronçon était en pâturage ou en abandon, afin de voir après combien de temps le pâturage ou l'abandon commençait à porter ses fruits.

Onze tronçons, c'est beaucoup en terme de travail sur le terrain, mais c'est peu en terme de statistique.
Avec un échantillon de cette taille, seules seront représentatives les probabilités observées inférieures à 0.3 et supérieures à 0,7 ; entre 0,3 et 0,7 la marge d'erreur est trop grande. De même pour le coefficient de corrélation, entre -0,3 et +0,3 nous pourrons en déduire que les variables sont indépendantes, entre 0,7 et 1 qu'elles sont liées positivement, entre -1 et -0,7 elles sont liées négativement. Les valeurs entre -0,7 et -0,3 ainsi que 0,3 et 0,7 ne seront donc pas représentatives.

Notre étude s'est limitée aux plantes vasculaires, c’est-à-dire aux plantes possédant un système de vaisseaux conducteurs de sève (xylème et phloème). Trois raisons motivent ce choix :
  1. Ce sont ces plantes qui sont susceptibles d'être consommées par les poneys ;
  2. Vu que les berges sont des milieux linéaires, nous avons volontairement écarté l'étude de la faune. En effet, vu la mobilité des animaux, il est bien difficile de distinguer si leur présente ou absence résulte de la gestion de la berge en elle-même ou bien de la gestion des parcelles adjacentes ? Nous citerons simplement dans la description des tronçons étudiés les observations animales marquantes ;
  3. Limiter l'ampleur de l'étude ;
Les relevés se sont fait de manière identique sur toutes les berges : les plantes ont été recensées sur 2 mètres de largeur depuis le bas de la berge de chaque côté du ruisseau.

L'étude se réalise sur la largeur à laquelle des clôtures auraient dû être placée en pâturage intensif pour interdire l'accès aux bovins.



Nous disposions, dès le départ, d’une liste de plantes préétablie principalement par Marc PHILIPPOT et complétée par quelques scientifiques (Projet Life Plateau des Tailles, le DEMNA,...). Dans cette liste, sont comprises toutes les plantes qui ont été observées au moins une fois sur les sites étudiés (pas seulement sur leurs berges). Cette liste de plantes comptait 235 espèces en 2011. Voir la liste de départ.

Les relevés ont été effectués à partir du mois de mai 2012 à août 2012. Les différentes visites sur le terrain ont eu lieu :
13 mai 2012 : Relevés axés sur les plantes à fleurs en fleur à cette date ;
29 mai 2012 : Relevés axés sur les plantes à fleurs en fleur à cette date ;
19 juin 2012 : Relevés axés sur les plantes à fleurs en fleur à cette date ;
26 juillets 2012 : Relevés axés sur les graminées ;
28 août 2012 : Relevés axés sur les ligneux ;
printemps 2013 : Relevés des abondances des plantes indicatrices de la 4ème méthode IQH.
A chaque visite, tous les tronçons ont été recensés.
Concernant les relevés des plantes appartenant aux familles suivantes : joncacées, cypéracées et poacées ; le nombre d’espèces différentes de ces familles a simplement été compté. Ceci vient du fait de nos faibles connaissances dans la détermination de ces espèces. Quelques carex et joncs ont tout de même été identifiés (notamment le jonc bulbeux qui a été utilisé pour la suite de nos relevés). 

Lors de ces relevés, nous avons identifiés 12 nouvelles espèces dont : la Renoncule à feuilles de platane (Ranunculus platanifolius) et la Linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum polystachion). Voir les nouvelles espèces.


Description des tronçons étudiés.
Nous avons étudié 11 tronçons de berges pâturés ou abandonnés, dans plusieurs milieux typique des vallées de Haute Ardenne. Pour chaque tronçons, nous avons noté le nombre d'années depuis quand il était pâturé (+) ou abandonné (-), ainsi qu'une estimation de 0 à 10 de sa biodiversité selon les observations faites sur le terrain. Voir description détaillée des tronçons.

Tableau et graphique de synthèse :


Lien graphique entre Estimation de la biodiversité et nombre d'années de pâturage (+) ou d'abandon (-).

Le coefficient de corrélation entre
"Estimation de la biodiversité" et "nombre d'années de pâturage" est de 88%. Si notre estimation de la biodiversité est juste, cela permettrait d'affirmer que le nombre d'années de pâturage à très faible charge augmente la biodiversité des berges ; et inversement que l'abandon sur de longues années réduit fortement la biodiversité des berges.

La suite de l'étude va donc porter sur la manière dont on peut objectiver la mesure de la biodiversité des berges, au moyen des 4 méthodes décrite à Mesurer la biodiversité.

Par la suite, nous reclassons les colonnes des relevés selon l'ordre croissant de biodiversité estimées des berges (berges peu diversifiées à gauche et très diversifiée à droite) :



Mesure de la biodiversité.

Méthode de l'inventaire.
Pour dresser cette liste, nous avons simplement mis 1 pour les espèces présentes sur un tronçon et 0 pour les espèces absentes sur ce tronçon. Ensuite, nous avons retiré de la liste de départ les espèces qui n'ont été observées sur aucun tronçon. Finalement, nous avons compté le nombre d'espèces présentes (nombre de "1") sur chaque tronçon. Voir l'inventaire.

Tableau de synthèse :


On constate une forte corrélation du nombre d'espèces observées tant avec le nombre d'années de pâturage qu'avec notre estimation initiale de la biodiversité.

Il y a cinq sites qui s'écartent de cette relation :

Méthode de la rareté.
Pour dresser cette liste, nous avons retiré de la liste d'inventaire ci-avant les espèces autres que plutôt rares pour la région. Ensuite, nous avons compté le nombre d'espèces rares présentes (nombre de "1") sur chaque tronçon. Voir l'inventaire.

Tableau de synthèse :


La corrélation du nombre d'espèces rares observées avec le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation initiale de la biodiversité est ici encore plus élevée qu'avec la méthode précédente.

Seulement deux sites s'écartent de cette relation :


Méthode des bioindicateurs.
Préalablement à l'application de cette méthode, il nous paraît intéressant de faire remarquer que nos essais de corrélations de la présence d'espèces par espèces avec le pâturage ou la biodiversité ne donne rien d'intéressant, il faudrait probablement travailler avec leur abondance... C'est donc bien la présence d'un ensemble d'espèces (et non d'une ou de quelques espèces) qui permet de déterminer la qualité d'un site.

Préalablement à l'établissement des 3 listes (D, Q & R), nous sommes parti de l'inventaire de départ auquel nous avons
retiré les ligneux de grandes tailles sur lesquels les poney ont peu d'action. Nous avons également retiré les espèces occasionnelles, c-à-d les espèces non rares présentes sur seulement 1 ou 2 sites sur les 11; ainsi que les espèces généralistes c-à-d les espèces présentes sur 9, 10 ou 11 sites.

Pour les espèces rares, nous avons retiré de la liste R les espèces rares présentes sur 5 à 8 sites (Violette des marais, Wahlenbergie, Géranium des bois, Jonc couché, Stellaire des bois, Bistorte) pour les mettre sur la liste Q comme bio-indicateur de qualité d'habitat.
Les 36 espèces restantes ont été mises soit sur la liste Q (qualité d'habitat), soit sur la liste D (dégradation), soit éliminées, selon leur tendance à suivre la
biodiversité estimée ou leur tendance à se rencontrer sur les sites rudéralisés, les friches, les coupes forestières...
Voir l'inventaire.

Tableaux de synthèse :


La corrélation des listes Q & R avec le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation initiale de la biodiversité est ici très élevée, ce qui est tout à fait normale, vu que les espèces de la liste Q ont été sélectionnées pour être en corrélation avec notre estimation initiale de la biodiversité.

Par contre, les corrélations de la liste D vont en sens inverse de nos attentes : le pâturage ne fait pas diminuer le nombre d'espèces indicatrices d'une dégradation de l'habitat. Les coefficients obtenus étant à mi-chemin de 0 et +1, il nous est impossible de déterminer si  ce 
nombre d'espèces indicatrices d'une dégradation de l'habitat est indépendant ou augmente avec le pâturage. 

Au final (combinaison des trois listes), cette méthode reste en forte corrélation
avec le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation initiale de la biodiversité. Mais avec 4 tronçons qui s'écartent de cette relation, sans pouvoir logiquement interpréter ces écarts... Pour la liste D, il apparaît évident qu'il serait plus judicieux de travailler avec l'abondance de ces espèces, plutôt que simplement avec leur présence...


Méthode de l'indice de qualité d'habitat (IQH).
Pour la liste D nous avons retenu les 5 espèces les plus problématiques dans la gestion des sites : le Galéopsis tétrahit, la Grande ortie, la Balsamine de l'Himalaya, les Ronces et la Reine-des-prés.

Pour la liste Q nous avons retenu les 5 espèces les plus représentatives de la qualité des sites : la Bistorte,  le Géranium des bois, la Wahlenbergie, le Jonc couché et la Violette des marais.

La liste R est identique à celle de la méthode précédente.

Pour les plantes des listes Q & D, nous avons utilisé les coefficients d’abondance décrit dans la méthode Braun-Blanquet. La liste R ajoute 0.5 pt de bonus par espèces présentes à l'abondance de la liste Q.

Voir les relevés d'abondance.

Tableau de synthèse :


La corrélation de l'abondance des listes Q & R avec le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation initiale de la biodiversité est très élevée, malgré que la liste Q ne comporte seulement que 5 espèces.

Les corrélations
de l'abondance de la liste D corresponde mieux à nos attentes : le pâturage ne fait pas augmenter l'abondance des espèces indicatrices d'une dégradation de l'habitat. Les coefficients obtenus étant à mi-chemin de 0 et -1, il nous est impossible de déterminer si cette abondance d'espèces indicatrices d'une dégradation de l'habitat est indépendant ou diminue avec le pâturage. Remarquons que cette liste ne comporte que 5 espèces particulièrement ingrates : la régression de ces espèces nécessite généralement des interventions complémentaires au pâturage : fauchage ou arrachage. L'élargissement de cette liste à 10 espèces permettrait probablement des conclusions plus marquées...

Au final (combinaison des trois listes), cette méthode reste en forte corrélation
avec le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation initiale de la biodiversité. Mais avec 5 tronçons qui s'écartent de cette relation :

Comparaison des différentes méthodes de mesure de la biodiversité.

En comparant les analyses des 4 méthodes, il ressort que :
  1. La mare (LFM) a été sur-évaluée (conclusions de plusieurs méthodes) lors de notre estimation initiale de la biodiversité. Cette mare est située sur un site initialement très riche sur lequel a été fait un essai d'abandon. Le site s'est rapidement dégradé au cours de cet abandon. Ce manque d'objectivité lors de la première estimation de sa biodiversité est probablement dû aux souvenirs de la richesse initiale de ce site.
  2. Le tronçon LFAC a été sur-évalué (conclusions de plusieurs méthodes) lors de notre estimation initiale de la biodiversité. Ce tronçon est située sur un site très riche sur lequel a été fait un essai de réduction de la pression du pâturage en vue d'être plus attractif pour les papillons. La biodiversité de ce site aurait-elle baissée lors de cet essai sans que nous ne nous en apercevions ? Ce site est suivi via des photographies mensuelles depuis une dizaine d'années. En revisionnant ces photos, nous avons effectivement constaté une lente et progressive dégradation coïncidant avec la réduction de la charge de pâturage.
  3. Le tronçon FFRI n'est pas représentatif.
  4. BBSE & BBNO, il s'agit de deux sites issus d'une coupe à blanc d'épicéa, apparemment nous avons sous-estimé la biodiversité de ces deux sites. Le site pâturé BBNO comporte encore peu d'espèces, mais est en très bonne voie de restauration : c'est lui qui obtient notre meilleur score avec la dernière méthode. Le fait de démarrer le pâturage sur un site mis à nu permet de maîtriser immédiatement les plantes dégradatrices de l'habitat. C'est comme si le pâturage avait été mené sur ce site depuis plus d'une décennie.
Cette étude met également en évidence l'utilité d'utiliser des méthodes objectives de mesure de la biodiversité. Notre estimation initiale de la biodiversité s'est avérée incorrecte pour la moitié des tronçons étudiés : sous-estimation des sites issus de mise à nu du terrain, sur-estimation des sites en voie de dégradation (souvenir des fastes d'antan), sur-estimation des sites sur lesquels une action en faveur de la biodiversité est menée (on croît voir des améliorations inexistantes)...

Aussi nous apportons les modifications suivantes à nos données de départ :
  1. LFM : diminuer son estimation de biodiversité de 2 à 1; LFPAS : rehausser son estimation de biodiversité de 1 à 2.
  2. LFAC : réduire son estimation de biodiversité de 9 à 8, vu qu'elle avait été sur-estimée.
  3. Suppression du tronçon FFRI de l'étude, car non représentatif.
  4. BBSE : rehausser son estimation de biodiversité de 3 à 4, ainsi que réduire les années d'abandon de -5 à -1 pour tenir compte de la mise à nu du terrain par la coupe à blanc.
  5. BBNO : rehausser son estimation de biodiversité de 6 à 10, ainsi qu'augmenter les années de pâturage de 2 à 10 pour tenir compte de la mise à nu du terrain par la coupe à blanc.
Tableau et graphique de synthèse :


Lien graphique entre Estimation de la biodiversité et nombre d'années de pâturage (+) ou d'abandon (-).

Le coefficient de corrélation entre
"Estimation de la biodiversité" et "nombre d'années de pâturage" est de 85%. Cela permet d'affirmer que le nombre d'années de pâturage à très faible charge augmente la biodiversité des berges ; et inversément que l'abandon sur de longues années réduit fortement la biodiversité des berges.


Réévaluation des quatre méthodes.
Suite à cette modification des paramètres de départ, nous devons réévaluer les quatre méthodes de mesure de biodiversité.

Méthode de l'inventaire.
Voir l'inventaire.

Tableau de synthèse :


Les coefficients de corrélation sont trop faibles. Cette méthode ne permet donc pas d'évaluer correctement la biodiversité des sites pâturés. Ce sont notamment les sites issus de coupe à blanc (BBSE & BBNO), les tronçons courts (LFE) et les sites en voie de dégradation (LFAC) qui sont mal évalués.

Méthode de la rareté.
Voir l'inventaire.

Tableau de synthèse :


Les coefficients de corrélation sont justes en-dessous de la limite de 70% que nous nous étions fixées. Cette méthode est acceptable pour la majorité des sites, sauf pour les sites issus d'une mise à blanc (BBSE & BBNO).

Cette méthode nous permet d'affirmer (corrélation de 69%) que le nombre d'années de pâturage à très faible charge augmente le nombre d'espèces rares ; et inversement que l'abandon sur de longues années réduit fortement le nombre d'espèces rares présentes sur les berges.

Méthode des bioindicateurs.
Voir l'inventaire.

Tableaux de synthèse :


Les faibles corrélations de la liste D nous permettent d'affirmer que le nombre d'espèces indicatrices d'une dégradation de l'habitat est indépendant du pâturage. 

La corrélation des listes Q & R avec le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation de la biodiversité est élevée.

L'étude de la liste D est donc inutile pour cette méthode, voire nuisible vu qu'elle en diminue la lisibilité.
L'analyse des seules
listes Q & R est utile et acceptable pour la majorité des sites, sauf pour les sites issus de coupe à blanc (BBSE & BBNO) et les tronçons courts (LFE).

Méthode de l'indice de qualité d'habitat (IQH).
Voir les relevés d'abondance.

Tableau de synthèse :


La corrélation de l'abondance des listes Q & R avec le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation de la biodiversité est très élevée, malgré que la liste Q ne comporte seulement que 5 espèces.

Les corrélations
de l'abondance de la liste D correspondent mieux à nos attentes : le pâturage ne fait pas augmenter l'abondance des espèces indicatrices d'une dégradation de l'habitat. Les coefficients obtenus étant à mi-chemin de 0 et -1, il nous est impossible de déterminer si cette abondance d'espèces indicatrices d'une dégradation de l'habitat est indépendant ou diminue avec le pâturage. C'est pour les tronçons court (LFM & LFM) et les abandons de mise à blanc (BBSE) que l'effet du pâturage est ambigu, sur les autres sites le pâturage fait clairement diminuer l'abondance des espèces indicatrices d'une dégradation de l'habitat.
Remarquons que cette liste ne comporte que 5 espèces particulièrement ingrates : la régression de ces espèces nécessite généralement des interventions complémentaires au pâturage : fauchage ou arrachage. L'élargissement de cette liste à 10 espèces permettrait probablement des conclusions plus marquées...

Au final (combinaison des trois listes), cette méthode est en très forte corrélation
avec le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation de la biodiversité. Tous les tronçons suivent cette relation ! De toutes les méthodes testées, c'est la plus précise, la plus fiable (fonctionne dans tous les cas), tout en étant la plus simple à mettre en oeuvre sur le terrain !


Réponses aux questions de l'étude.

Réponse à la question 1 : Le pâturage fait régresser la Balsamine de l'Himalaya.
Pour les sites fortement infectés, lors de la première année de pâturage, il faut compléter le pâturage par un fauchage des balsamines avant leurs mises en graines (juillet-août). Ensuite, les plantes invasives et envahissantes régressent sous l'action du pâturage extensif, sans pour autant les faire disparaître... Tout relâchement du pâturage va donc conduire à une recolonisation rapide du site à partir de ces quelques individus disséminés. Des signes de reprise de terrain par la Balsamine ont été constatés après une seule année d'abandon. Il est donc essentiel de maintenir la gestion par pâturage dans le temps.

Réponse à la question 2 : Le pâturage très extensif n'est pas néfaste aux espèces rares, que du contraire.
Les sites pâturés extensivement accueillent de nombreuses espèces rares dont les quelques espèces rares observées sur les sites non pâturés. Dans notre étude, le pâturage à très faible charge n'a jamais conduit à la disparition d'espèces rares.

Réponse à la question 3 : Liste d'espèces indicatrices d'un bon état de biodiversité des berges.
Nous avons identifié 19 plantes indicatrices du bon état de conservation des berges en Haute Ardenne. Pour d'autres régions, cette liste doit être adaptée en suivant la même méthodologie que celle de notre étude.

Réponse à la question 4 : La méthodes (IQH) est la plus efficace pour "mesurer" la biodiversité en toutes situations.
La méthode de l'inventaire est inefficace et est à déconseiller.

Celle de la rareté  et des
bioindicateurs donnent toutes les deux une mesure acceptable de la biodiversité.

La méthode de l'indice de qualité d'habitat (IQH) nous a donné de bonne
mesure de la biodiversité dans toutes les situations. C'est de plus la méthode la plus légère à mettre en oeuvre, mais il faut avoir fait un choix judicieux des indicateurs (listes Q, D & R). Dans ce cas, elle permet de voir si un plan de gestion va dans le bon sens dès la première année de sa mise en application.

Nous recommandons donc d'utiliser la méthode
de l'indice de qualité d'habitat (IQH).
Elle nécessite un gros travail de choix des indicateurs, mais ensuite c'est la méthode la plus simple à utiliser sur le terrain et la plus généraliste pour suivre l'évolution de la biodiversité d'un site.


Réponse à la question 5 : Le pâturage très extensif améliore fortement la biodiversité des berges.
Le pâturage extensif à très faible charge est fortement corrélé à la biodiversité des berges (85%).

Les principales sources de cet
apport de biodiversité par le pâturage sont :
  1. la régression des plantes dominantes,
  2. l'abaissement de la hauteur de la végétation,
  3. la limitation d'accumulation de litière (vieux foins sur pied) au sol,
  4. la création de mosaïques d'habitats découlant de l'hétérogénéité de la hauteur de la végétation.


Réponse à la question 6 : L'abandon, le pâturage intensif, le nourrissage et la plantation d'épicéas dégradent les berges.

1°) L'abandon est certainement ce qui dégrade le plus la biodiversité des berges : l'abandon conduit à l'installation massives de plantes dominantes (Reine des prés, Orties) et invasives (Balsamine de l'Himalaya).
L'été, les ruisseaux et petites rivières sont noyées sous la végétation qui forme un tunnel opaque au-dessus de l'eau. Cette inaccessibilité de l'eau semble néfaste au Cincle plongeur et au Martin pêcheur.

La Balsamine ayant un faible enracinement, il y a probablement un risque d'érosion des berges lors des crues et de colmatage du fond du cours d'eau avec les limons.

2°) Le pâturage intensif détruit complètement le profil des berges. La crête de la berge s'effondre complètement sous le piétinement des bovins. La transition terre-eau se fait alors en pente douce, avec augmentation progressive de l'humidité à l'approche du cours d'eau (écotone peu marqué). Dans le cas de berges intactes, la crête de la berge permet une transition brusque terre-eau (écotone très marqué) qui serait apparemment favorable à la biodiversité des berges. En effet, même après abandon du pâturage intensif, la flore ne se diversifie que peu. Contrairement à l'abandon, il s'agit ici d'une destruction durable des berges qui ne pourront réacquérir leur profil originel qu'après des décennies d'érosion naturelle du lit mineur du cours d'eau...

Si ce pâturage intensif se fait avec nourrissage des animaux, le sol s'enrichit fortement en nitrate. L'Ortie s'installe massivement et forme une dynamique d'envahissement en association avec la Balsamine de l'Himalaya. Il faudra plusieurs années (4 à 6 ans ?, essai en cours) de pâturage extensif pour appauvrir la fertilité du sol... Nous conseillons également dans ce cas de faire des fauchages réguliers pour avoir une bonne pénétration des animaux dans ces massifs.

3°) La plantation d'épicéas modifie également le profil des berges : l'eau vient éroder les berges sous les racines traçantes des conifères. Ainsi, une partie de la berge se retrouve en surplomb et s'assèche.

Avant la coupe, la biodiversité au sol est nulle (tapis d'aiguilles mortes au sol sans végétation). Après la coupe et évacuation des rémanents, la strate herbacée s'installe lentement, mais il est capital de démarrer le pâturage extensif dans l'année qui suit la coupe pour éviter l'installation des plantes dominantes. Dans ce cas une flore diversifiée s'installera peu à peu. La mise en surplomb de portion de berges ne semble pas nuire à l'installation de la biodiversité, tout au plus nous y avons remarqué l'installation de plantes de sols moins humides comme la Myrtille ou la Callune. Le profil originel devrait progressivement se restaurer avec le pourrissement des souches qui maintiennent ces surplombs.

4°) Le pâturage extensif avec une charge inadaptée (supérieure à 0.4UGB/Ha.an) épargne la flore, mais reste dommageable pour la faune. Si nous avions pris des indicateurs entomologique (ex: abondance de criquets et de papillons), nous aurions obtenu des résultats nettement moins "sympathiques" pour la zone parking (LFAE). Une charge inadaptée va également conduire à un effondrement localisé des berges aux points de traversée du cours d'eau par les poneys. Par contre les digues des mares et étangs semblent parfaitement supporter de telles charges. Pour éviter ces problèmes, il faut impérativement travailler à très faible charge ( de l'ordre de 0.15UGB/Ha.an) : c'est ce mode de gestion qui a donné les meilleurs résultats dans notre étude.


Réponse à la question 7 : Lignes directrices d'une gestion optimale des berges.

Idéalement la gestion ne devrait pas se limiter aux berges, mais être étendue à tout le lit majeur du cours d'eau (voire aux bas de pentes de la vallée) afin d'avoir une largeur suffisante (minimum 100m) de part et d'autre du cours d'eau ou du plan d'eau pour y envisager une gestion par pâturage extensif.

Ce pâturage extensif doit être réalisé aux conditions suivantes :

1°) Pâturage avec des poneys ou chevaux primitifs (ex : Fjord, Camargue) et exclure les bovins qui iront patauger dans l'eau par temps chaud...

2°) Laisser libre accès pour les animaux aux berges, aux îlots ; laisser la possibilité aux animaux de traverser le cours d'eau tout au long de son parcours sur le site.

3°) Les animaux doivent être habitués à pâturer ce genre de milieu (ou alors prendre des animaux très jeunes qui s'adapteront plus rapidement), sinon il y aura de gros soucis de circulations des animaux sur le site (surpâturage des zones sèches, pas de traversée de la rivière, pas de pénétration en zone marécageuse...).

4°) Travailler à très faible charge (0.15UGB/Ha.an).

5°) Pas de nourrissage des animaux.

6°) Le pâturage doit être maintenu au fil des ans, des signes de dégradation apparaissent déjà après un an d'abandon.

7°) Le pâturage doit être réparti sur une majeure partie de l'année (peu d'animaux sur plusieurs mois) de manière à maintenir au fil des saisons une hétérogénéité dans la hauteur de la végétation (mosaïque de végétation basse et haute).

8°) Suivre l'évolution du site avec la méthode de l'indice de qualité d'habitat (IQH), ainsi que la prise de photos d'années en années de milieux typiques, afin d'éventuellement adapter le mode de pâturage à l'évolution du site.

NB : dans le cas de mise à blanc : démarrer le pâturage endéans l'année de la coupe.


Texte : Coralie HUBERTY & Marc PHILIPPOT - Photos : Marc PHILIPPOT - Version du 06/02/2015