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La
gestion des prairies permanentes.
Par
Clémentine POIRIER, stagiaire Agronome, Agrosup Dijon (France)
et
Marc PHILIPPOT, agriculteur à Manhay et concepteur du calculateur.
Vous avez dit "prairies permanentes" ?!
Les
prairies permanentes ne font pas partie d'une rotation culturale et
sont consacrées exclusivement à la production d'herbages (fourrage
et/ou pâturage) pendant au moins 5 ans. Celles gérées par pâturage
extensif sont souvent des prairies à haute valeur biologique, protégées
dans le cadre de Natura 2000 et qui ne peuvent jamais être labourées.
La charge en bétail est exprimée en Unité Gros Bovin (UGB) par hectare,
et est généralement inférieure à 0,5 UGB/ha, en particulier dans le cas
de terrains pauvres, comme ceux des Ardennes belges. Ce mode de gestion
ne nécessite généralement aucun apport d'intrant ni de produit
phytosanitaire, et les surfaces en pâturage extensif peuvent donc
souvent être engagées dans l'agriculture biologique.
Il existe 2 modes
d'occupation animale :
Le premier est l'occupation
temporaire
qui concerne souvent de petites réserves, ou des gestionnaires passant
d'une gestion mécanisée à une gestion animale. L'occupation temporaire,
souvent utilisée en Belgique, se traduit malheureusement encore trop
souvent par de la fauche animale, c'est-à-dire qu'un grand nombre
d'animaux occupe une parcelle pendant une courte durée (1 à 2 mois en
général). Idéalement la durée de pâturage devrait être plus longue pour
s'étaler pendant minimum 3 à 4 mois, ce qui permet de réduire le nombre
d'animaux et de faire progressivement régresser la hauteur de la
végétation afin d'obtenir une mosaïque de micros habitats (végétation
rase/moyenne/haute coexistant sur quelques mètres de distances)
particulièrement intéressante pour la biodiversité. En jouant sur la
saison de pâturage, sa durée, sa charge en animaux, le pâturage
temporaire constitue un outil extrêmement varié pour la gestion des
sites naturels, pour un coût et des résultats écologiques nettement
plus intéressant que la fauche mécanique. Lorsque les animaux ne sont
pas sur les sites à gérer, ils sont généralement maintenus soit sur des
parcelles intensives, soit sur une parcelle "parking" de faible valeur
biologique. Ce "parking" est utilisé de manière plus
intensive avec parfois un complément en fourrage.
Le second mode est l'occupation
permanente,
qui ne peut s'envisager que sur les sites de plus d'une vingtaine
d'hectares d'un seul tenant : dans ce cas, les animaux utilisés sont en
permanence sur
la parcelle et ne reçoivent pas d'apport de nourriture même en hiver
(sauf en cas de neige abondante), c'est-à-dire qu'ils doivent être
capables de passer les 4 saisons à l'extérieur. Cet élevage en
semi-liberté nécessite donc des animaux de races primitives, comme les
poneys Fjord et Konik Polski ou encore les vaches Galloway et Highland
Cattle, qui réclament peu de soins, d'autant plus que les sites sont
souvent difficiles d'accès.
Que l'occupation soit permanente ou temporaire, des zones d'exclos
sont parfois aménagées au moyen de clôtures mobiles à l'intérieur des
parcelles pâturées. Ces exclos empêchent les animaux de pâturer des
zones très sensibles, par exemple pour préserver certains papillons.
Ces papillons exploitent au mieux les premières années d'abandon. Il
faut donc refaire légèrement pâturer les exclos tous les 3 à 6 ans, en
prenant garde de ne pas remettre l'entièreté de l'exclos en pâturage
une même année, afin que les espèces y trouvent toujours un refuge
proche.
L'idéal est donc de faire "glisser" la zone d'abandon chaque
année. Par exemple, on peut instaurer un cycle de 6 ans, dans lequel on
pâturera chaque année 1/6 de la zone, et on agrandira la zone de la
même surface du côté opposé. Le schéma ci-dessous donne un exemple
simplifié de glissement en aller-retour sur 2 fois 3 ans (dans la
réalité, les cycles seront souvent plus longs). La durée idéale du
cycle est à définir après quelques essais avec un suivi d'espèces
bio-indicatrices (papillons notamment, comme le Cuivré de la bistorte).
Combien
d'animaux faut-il mettre à l'hectare ?
Certains vous diront 2ha par vache, d'autres 5ha par poneys... en fait
la réponse est loin d'être simple car elle dépend :
- de la race et de l'âge des animaux ;
- de la richesse alimentaire du terrain qui accueille les
animaux ;
- de la saison à laquelle on met les animaux ;
- finalement
de l'intensité de la gestion que l'on veut appliquer au site, s'agit-il
d'un pâturage intense de restauration ou d'un simple entretien ?
Pour résoudre le premier point, les agronomes ont inventés la notion
d'UGB.
Pour
les 3 points suivants, nous avons dû développer un calculateur, qui
s'est avéré incontournable dans le cadre de l'occupation temporaire,
ainsi que les notions de "parcelle type" et de "charge normalisée".
Vous avez
dit "UGB" ?!
UGB
est l'abréviation de "Unité Gros Bovin", par définition 1UGB correspont
aux besoins alimentaires d'une vache allaitante de plus de 3ans pesant
600kg. Les besoins alimentaires des différentes races peuvent donc
s'exprimer en UGB.
Le tableau ci-après indique quelques poids
et équivalence en UGB pour des races rustiques fréquemment utilisées en
pâturage extensif.
NB : En zone humide, seuls les poneys
peuvent convenir pour la préservation des berges des cours d'eau, des
mares et autres étangs ; les bovins sont à proscrire vu leur fâcheuse
tendance à aller patauger dans l'eau (effondrement des berges, mise en
suspension de limon dans l'eau...). Sur terrain pauvre également les
poneys sont moins sélectifs. Finalement, pour faire régresser les
ligneux, les poneys sont également plus performant que les bovins vu la
présence d'incisives aux deux mâchoires.
Race |
Equivalent
UGB d'un adulte |
Poids
adulte (kg) |
UGB/tonne
sur pied |
Vache allaitante
> 36mois (définition) |
1 UGB |
600 |
1.67 |
Poney Fjord |
1 UGB |
450 |
2.08 |
Poney Konik Polski |
0.8 UGB |
400 |
2.00 |
Vache Galloway |
0.8 UGB |
450 |
1.67 |
Vache Higland Cattle |
0.74 UGB |
400 |
1.67 |
Brebis Roux Ardennais |
0.15 UGB |
50 |
3 |
D'après Espace Naturel de France 2000
NB : les vaches ont un meilleur rendement que les poneys vu leurs 4
estomacs.
Exemple : Cheptel de 5 vaches Galloway = 5 * 0.8UGB = 4UGB
Remarquons que les surfaces pâturées sont
généralement petites, et les animaux peu nombreux. Dans le cas
des chevaux, le cheptel peut par exemple être constitué de
trois animaux, dont un poulain en croissance. Aussi, la
croissance du poulain doit être prise en compte dans le calcul de la
taille du cheptel : le nombre d'UGB varie en cours d'année, même si le
nombre d'animaux reste inchangé. Cette variation peut modifier de 10%
la charge en UGB et doit être prise en compte, car 10% cela représente
plus d'un mois de nourriture au bout d'une année... On note qu'un
équidé de plus de 6 mois est considéré comme l'équivalent d'une UGB par
la Région Wallonne (Arrêté du 24 mai 2007). Dans le calculateur, nous
considérons les adultes comme équivalents à une UGB chacun, tandis que
l'équivalent des poulains en UGB est estimé par rapport à leur poids :
un poulain qui atteint 50% du poids d'un adulte est noté 0,5UGB. De la
même façon, une jument en gestation correspondra à plus d'une UGB. (NB
: pour les poneys et chevaux, il existe des formules assez fidèles pour
estimer le poids simplement avec un simple double mètre à ruban à
partir du périmètre thoracique et de la longueur poitrail-pointe de la
hanche).
Par ailleurs, lorsque la jument est mise à l'étalon et ne pâture plus
les parcelles pendant une certaine durée, la taille du cheptel doit
être diminuée d'une UGB pour cette durée.
La
"parcelle-type"
La "parcelle-type" est une parcelle théorique permettant de maintenir 1
UGB en bonne santé toute sa vie, sans apport de nourriture
supplémentaire (sauf forte neige). En fond de vallée ardennais, avec
une productivité de 2 tonnes de Matière Sèche (MS) par hectare par an,
cela correspondrait à une parcelle de 5ha pour 1 UGB (d'après
observation sur le terrain et différents essais). Cette parcelle
théorique de 5ha/UGB sert de référence pour estimer la productivité des
différentes zones pâturées : la richesse d'une zone de pâturage est
estimée en comparaison avec cette parcelle-type. L'intérêt est de tenir
compte des différences de productivité des parcelles, pour ne pas
appliquer la même charge de pâturage à une zone très productive, et à
une zone de mise à blanc d'épicéas qui vient d'être mise en pâturage. A
titre d'exemple, les parcelles des Ardennes belges montrent de fortes
différences de richesse : on y trouve des zones mises à blanc où la
végétation est quasiment nulle, des parcelles à l'abandon depuis 30
ans, des zones de flore monotone (ex : reine des prés…) qui sont moins
nourrissantes pour les animaux... D'autre part, il faut savoir que la
productivité d'une parcelle peut évoluer au fil du temps : une zone de
coupe, très peu productive la première année, gagnera en productivité
les années suivantes, avant de voir sa productivité se stabiliser.
Avec de l'expérience, il est possible d'estimer au simple coup d'oeil
lors d'une visite en été la productivité d'un site. Sinon, voici trois
moyens pour la déterminer :
- Faucher une partie du site en août, peser le foin séché et
en déduire par une règle de trois la productivité en foin sec à
l'hectare. Si vous obtenez 2T/ha, votre productivité est de 100% ; si
vous obtenez 3T/ha, votre productivité est de 150% (3/2) ; Si vous
obtenez 1.5T/ha, votre productivité est de 75% (1.5/2)...
- Mettre quelques UGB sur le site et agrandir progressivement
leur enclos pour les maintenir en bonne santé (vérifier les réserves de
graisse par palpation + mesure du périmètre thoracique) et qu'il reste
en moyenne 5 cm de hauteur de végétation au sol (il ne doit pas être
rasé comme un terrain de golf). Au bout d'un an, vous pouvez en déduire
le nombre d'hectares nécessaire par UGB. Si vous obtenez 5ha/UGB, votre
productivité est de 100% ; si vous obtenez 3ha/UGB, votre productivité
est de 167% (5/3) ; Si vous obtenez 7ha/UGB, votre productivité est de
71% (5/7)...
- Idem que ci-dessus mais sur un mois au lieu d'un an et en
utilisant le facteur saisonnier correctif du calculateur pour faire
l'extrapolation sur un an. C'est à dire que pour un an nous prenions
5ha comme surface de référence, tandis que dans le cas présent la
surface de référence dépend du mois d'essais :
|
avril |
mai |
juin |
juillet |
août |
septembre |
octobre |
novembre |
décembre |
janvier |
février |
mars |
Ha/UGB.mois pour 100% |
0.59 |
0.39 |
0.27 |
0.23 |
0.22 |
0.22 |
0.23 |
0.25 |
0.35 |
0.49 |
0.71 |
0.73 |
Par exemple, s'il me faut
30 ares par UGB en octobre, la richesse de cette parcelle est de 77%
(0.23/0.30) par rapport à la parcelle type.
La "charge
normalisée"
Le calculateur permet d'obtenir pour chaque zone de pâturage une
"charge normalisée" moyenne sur l'année, c'est-à-dire la charge
équivalente en tenant compte de la productivité
et des saisons
de pâturage.
Pour cela, on "convertit" la surface de la parcelle en surface
équivalente de parcelle-type. La charge normalisée exprime donc le
nombre d'UGB par hectare de parcelle-type. Ainsi, si la zone pâturée
est très pauvre, la charge normalisée sera plus élevée que la charge
réelle, car 10ha de terrain très pauvre (richesse 20% par exemple)
équivalent à 2ha de parcelle-type.
De plus, la charge normalisée tient compte de l'influence des saisons
(les calculs sont expliqués dans le détail du calculateur) : une même
charge n'aura pas le même effet sur le terrain et les animaux en hiver
ou au printemps. Ainsi, la charge normalisée en hiver sera plus élevée
que la charge réelle (et inversement en été). L'usage du calendrier
agricole (avril à mars de l'année suivante) permet d'adapter la gestion
à l'évolution saisonnière des prairies, et de visualiser un cycle
complet de gestion. Cela permet de minimiser l'influence d'une année
sur la suivante.
Quelques années d'expérience ont montré que pour respecter les besoins
des animaux, la charge normalisée doit rester inférieure ou égale à
0,2UGB/ha.an (ce qui correspond aux 5ha par poney évoqués plus haut).
Cependant, on reste généralement en dessous de cette charge maximale
pour respecter les objectifs de gestion :
- 0,05UGB/ha.an
: en dessous de cette charge normalisée on peut considérer que la zone
est en abandon : la
pression du pâturage sera inférieure à celle de la grande faune sauvage
si cette dernière est présente sur le site.
- 0,10UGB/ha.an
: est une charge normalisée utilisée pour une parcelle
sensible (par
exemple où l'on souhaite protéger les papillons), souvent en
combinaison avec l'aménagement de zones d'exclos
non pâturés pendant 3 à 5ans.
- 0,15UGB/ha.an
: est la charge normalisée classique pour un entretien de parcelles en
bon état de biodiversité.
- 0,20UGB/ha.an
: est une charge normalisée appliquée pour une
restauration de parcelle laissée à l'abandon, où l'action du pâturage
doit être importante.
- de 0.2 à
0.6UGB/ha.an : ces charges normalisées correspondent à des
zones parking où un nourrissage complémentaire sera nécessaire, ces
zones se situeront sur des terrains à faible valeur biologique.
- Les charges normalisée au-delà de 0.6UGB/ha.an
correspondent à de l'élevage intensif et ne doivent jamais être
atteinte en pâturage extensif.
Le principe
de fonctionnement du calculateur
Ce calculateur a pour objectif de faciliter la répartition des
périodes de pâturage entre diverses parcelles, de manière à ne pas
exercer une pression de pâturage trop intense, dans le but d'en
préserver la biodiversité, et de faciliter la gestion zootechnique du
cheptel (nombre d'animaux supportable par la parcelle, foin nécessaire
en hiver...). Il tient donc compte de la productivité de chaque
parcelle, de l'évolution du cheptel, de la période pâturée…
Ce
calculateur fonctionne avec les tableurs classiques de bureautique tel
que Calc d'OpenOffice sous Linux ou Windows, ou encore Excel sous
Windows. Pour des raisons de portabilité, il est enregistré au format
« .xls » (Microsoft Excel 97/2000/XP) utilisable sous
de
nombreux systèmes d'exploitation. Ce calculateur est disponible
ci-dessous, ainsi que les exemples permettant de le prendre en main
(téléchargement libre).
Le travail avec le calculateur se réalise en 3 temps : l'encodage des
paramètres, les calculs réalisés par le logiciel, puis l'adaptation des
paramètres (nombre d'animaux, dates de pâturage) pour respecter les
objectifs de gestion et les besoins des animaux. Ces 2
dernières étapes sont réalisées en boucle jusqu'à l'obtention de
résultats satisfaisants.
Dans les cas très simple, une solution est trouvée en 3 à 4 boucles,
c-à-d que le calculateur vous a fait gagner 3 à 4 ans d'essais
empiriques. Dans les cas très complexes, une solution ne peut être
trouvée qu'après une vingtaine de boucles, c-à-d que le calculateur
vous a fait gagner une vingtaine d'années d'essais empiriques !
Mode d'emploi et
explications détaillées du calculateur : cliquez ici
Exemple
d'utilisation du calculateur dans des situations classiques
Les exemples ci-après permettent de prendre en main le calculateur avec
des situations d'abord très simples, puis de plus en plus complexes.
Nous vous conseillons de relire la partie théorique ci-avant entre les
exemples, voire de refaire les calculs à la main, afin de bien saisir
le fonctionnement du Calculateur.
L'exemple 10 sera un bon point de
départ pour utiliser le calculateur si votre projet n'est pas trop complexe.
Me contacter (info@paturage.be)
pour me faire sous-traiter les cas complexes, j'ai déjà dû déméler
des gestions avec 17 parcelles... ne pas se lancer dans ce type de
problème avant de bien maîtriser le calculateur !
Exemple
1 : Zone en pâturage permanent sur les 12 mois de l'années.
Permet de se faire la main sur le nombre d'UGB et la richesse d'une
parcelle.
Exemple 2: Prairie Natura
2000 gérée par fauche animale.
Permet de se faire la main avec le calendrier.
Exemple
3: Tourbière et risque d'incendie.
Un récapitulatif des acquis des deux exemples précédent.
Exemple
4: Lisière forestière et gestion des ligneux, avec neige.
Permet de se faire la main avec les périodes de neige et le calcul du
foin nécessaire.
Exemple
5: Action sur la Balsamine de l'Himalaya.
Comment faire fortement régresser cette plante invasive dans un fond de
vallée.
Exemple
6: Fange envahie de reine des prés.
Comment maitriser cette plante envahissante dans un fond de vallée.
Exemple
7: Zone avec des nardaies : aménagement d'exclos.
Permet de se faire la main avec les exclos.
Exemple
8: Pelouses calcaires.
Permet de se faire la main en jouant sur deux périodes de pâturage.
Exemple
9: Coupe à blanc sur plusieurs années.
Permet de se faire la main avec la richesse d'une zone qui évolue
d'année en année.
Exemple 10: Grande lande
humide avec tourbières + zone parking.
Exemple complet pour éviter les risques d'incendies dans les fagnes,
gestion du cheptel et de la zone parking, ainsi qu'une optimisation
économique du projet.
Auteurs :
Clémentine POIRIER & Marc PHILIPPOT - Version du 16/06/2012