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Paturage extensif / Biodiversité / Berges
Impact
du pâturage extensif sur la biodiversité des berges.
Synthèse.
L'interdiction
de l'accès
aux berges par le bétail en pâturage intensif pourrait permettre
l'installation de corridors naturels le long des cours d'eau et
renforcer de la sorte le maillage écologique en reliant des sites
majeurs. Cependant, en absence de gestion, la biodiversité des berges
restera faible, ou pire, ces corridors serviront de véritables
"autoroutes" pour la progression de plantes invasives telle que la
Balsamine de l'Himalaya.
L'étude ci-dessous conclut qu'un pâturage très extensif des berges
(0.15UGB/Ha.an) avec des poneys primitifs est une alternative intéressante
tant pour la qualité des eaux, que la stabilité des berges, que le
contrôle des plantes invasives avec un bénéfice certain en terme de
biodiversité.
Contexte.
L'accès
aux cours d'eau par le bétail est interdit en pâturage intensif, et il
n'est nullement question de remettre en cause cette interdiction dans
le texte ci-dessous.
Mais
cette même législation permet : "Art.
8. La
Direction territorialement
compétente du Département de la Nature et des Forêts peut accorder aux
personnes soumises à l’obligation prévue à l’article 16bis, alinéa 1er,
de la loi du 28 décembre 1967 relative aux cours d’eau non navigables
une dérogation à celle-ci pour les terres faisant l’objet d’un pâturage
très extensif favorable à la biodiversité." (MONITEUR BELGE du
31.10.2013 , 17 OCTOBRE 2013.
— Arrêté du Gouvernement wallon organisant l’obligation de clôturer les
terres pâturées situées en bordure des cours d’eau et modifiant
diverses dispositions).
C'est
ce genre de pâturage que nous pratiquons dans la vallée de l'Aisne en
coopération avec le DNF (Edwin DUFAYS & Roger CORNET), le Contrat
de Rivière Ourthe (Pierre PIROTTE) et NATAGRIWAL (Serge ROUXHET),
notamment pour lutter contre une plante invasive : la Balsamine de
l'Himalaya. Toujours dans l'esprit de cette législation, voici les
conditions dans lesquelles le pâturage est effectué :
1) Faible
charge en bétail de l'ordre de 0.15 UGB/Ha.an
2)
Pâturage avec des poneys primitifs de race Fjord :
*
ne pataugent pas dans l'eau par temps chaud au contraire des bovins :
pas de suspension des limons, ni de défécation dans l'eau ;
*
un seul sabot large par pieds : pression au sol plus faible qu'avec des
bovins ou des ovins : pas d'effondrement des berges ou des digues.
Si
la qualité de l'eau ne semble pas atteinte, il restait cependant à
vérifier que le pâturage extensif n'était pas néfaste à la biodiversité
des berges...
Auteurs
de l'étude.
Cette
étude de la biodiversité des berges a été confiée à Coralie HUBERTY,
étudiante à la Haute Ecole de la Province de Liège -
Département Agronomique - La Reid, dans le cadre du mémoire en vue de
l’obtention du titre de Bachelier en Agronomie - Finalité Environnement
- Année académique 2012-2013 : « L’impact du pâturage extensif
sur
la biodiversité au niveau des berges », maître de stage
Emmanuelle CHAVET, encadrement Marc PHILIPPOT, professeur superviseur
Eric CASAGRANDE.
Objectifs
de l'étude.
Répondre
aux questions suivantes :
1) Action du pâturage extensif sur la Balsamine de l'Himalaya :
- si pas
d'action, alors le pâturage est inutile ;
-
si l'invasive disparaît, alors un pâturage de restauration doit être
appliqué quelques années jusqu'à disparition de l'invasive, ensuite il
peut être relâché ;
-
si l'invasive régresse, alors le site doit être géré par pâturage
extensif "ad vitam" si on ne veut pas que la Balsamine reprenne de
l'ampleur après arrêt du pâturage...
2)
Y a-t-il disparition d'espèces rares en cas de pâturage extensif ?
3)
Quelles sont les espèces indicatrices d'un bon état de biodiversité des
berges ?
4)
Comparer 4 méthodes de "mesure" de la biodiversité et déterminer
laquelle est la plus adéquate pour suivre la restauration de berges.
5)
Le pâturage extensif a-t-il une action positive ou négative sur la
biodiversité des berges ?
6)
Quelles sont les types de gestions qui dégradent les berges.
7)
Définir les lignes directrices d'une gestion optimale des berges.
Méthodologie.
Nous
avons étudié 11 tronçons de berges, d'une longueur d'environ 50m
chacun, en prenant soins de les choisir par paire : un tronçon pâturé
et son homologue non pâturé, à proximité et dans le même type de milieu ;
ceci afin de déceler les différences entre pâturage et abandon... Nous
avons également choisi un éventail de durées depuis laquelle le tronçon
était en pâturage ou en abandon, afin de voir après combien de temps le
pâturage ou l'abandon commençait à porter ses fruits.
Onze
tronçons, c'est beaucoup en terme de travail sur le terrain, mais c'est
peu en terme de statistique.
Avec
un échantillon de cette taille, seules seront représentatives les
probabilités observées inférieures à 0.3 et supérieures à 0,7 ; entre 0,3
et 0,7 la marge d'erreur est trop grande. De même pour le coefficient
de corrélation, entre -0,3 et +0,3 nous pourrons en déduire que les
variables sont indépendantes, entre 0,7 et 1 qu'elles sont liées
positivement, entre -1 et -0,7 elles sont liées négativement. Les
valeurs entre -0,7 et -0,3 ainsi que 0,3 et 0,7 ne seront donc pas
représentatives.
Notre étude s'est limitée aux plantes vasculaires, c’est-à-dire aux plantes
possédant un système de vaisseaux conducteurs de sève (xylème et
phloème). Trois raisons motivent ce choix :
- Ce sont ces plantes qui sont susceptibles d'être consommées par les poneys ;
- Vu
que les berges sont des milieux linéaires, nous avons volontairement
écarté l'étude de la faune. En effet, vu la mobilité des animaux, il
est bien difficile de distinguer si leur présente ou absence résulte de
la gestion de la berge en elle-même ou bien de la gestion des parcelles
adjacentes ? Nous citerons simplement dans la description des tronçons
étudiés les observations animales marquantes ;
- Limiter l'ampleur de l'étude ;
Les relevés se
sont fait de manière identique sur toutes les berges : les plantes ont
été recensées sur 2 mètres de largeur depuis le bas de la berge de chaque côté du ruisseau.
L'étude
se réalise sur la largeur à laquelle des clôtures auraient dû être
placée en pâturage intensif pour interdire l'accès aux bovins.
Nous
disposions, dès le départ, d’une liste de plantes préétablie
principalement par Marc PHILIPPOT et complétée par quelques
scientifiques (Projet Life Plateau des Tailles, le DEMNA,...). Dans
cette liste, sont comprises toutes les plantes qui ont été
observées au moins une fois sur les sites étudiés (pas seulement sur
leurs berges). Cette liste de plantes comptait 235 espèces en 2011. Voir la liste de départ.
Les
relevés ont été effectués à partir du mois de mai 2012 à août
2012. Les différentes visites sur le terrain ont eu lieu :
13 mai 2012 : Relevés axés sur les plantes à fleurs en fleur à cette date ;
29 mai 2012 : Relevés axés sur les plantes à fleurs en fleur à cette date ;
19 juin 2012 : Relevés axés sur les plantes à fleurs en fleur à cette date ;
26 juillets 2012 : Relevés axés sur les graminées ;
28 août 2012 : Relevés axés sur les ligneux ;
printemps 2013 : Relevés des abondances des plantes indicatrices de la 4ème méthode IQH.
A chaque visite, tous les tronçons ont été recensés.
Concernant
les relevés des plantes appartenant aux familles suivantes : joncacées,
cypéracées et poacées ; le nombre d’espèces différentes de ces familles
a simplement été compté. Ceci vient du fait de nos faibles
connaissances dans la détermination de ces espèces. Quelques carex et
joncs ont tout de même été identifiés (notamment le jonc bulbeux qui a
été utilisé pour la suite de nos relevés).
Lors de ces relevés, nous avons identifiés 12 nouvelles espèces dont : la Renoncule à feuilles de platane (Ranunculus platanifolius) et la Linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum polystachion). Voir les nouvelles espèces.
Description
des tronçons étudiés.
Nous
avons étudié 11 tronçons de berges pâturés ou abandonnés, dans plusieurs milieux typique des vallées de Haute Ardenne. Pour
chaque tronçons, nous avons noté le nombre d'années depuis quand il
était pâturé (+) ou abandonné (-), ainsi qu'une estimation de 0 à 10 de
sa biodiversité selon les observations faites sur le terrain. Voir
description détaillée des tronçons.
Tableau et graphique de synthèse :
Lien graphique entre Estimation de la biodiversité et nombre d'années de pâturage (+) ou d'abandon (-).
Le coefficient de corrélation entre "Estimation
de la biodiversité" et "nombre d'années de pâturage" est de 88%. Si
notre estimation de la biodiversité est juste, cela permettrait
d'affirmer que le nombre d'années de pâturage à très faible charge augmente la biodiversité des berges ; et inversement que l'abandon sur de longues années réduit fortement la biodiversité des berges.
La
suite de l'étude va donc porter sur la manière dont on peut objectiver
la mesure de la biodiversité des berges, au moyen des 4 méthodes
décrite à Mesurer la biodiversité.
Par
la suite, nous reclassons les colonnes des relevés selon l'ordre
croissant de biodiversité estimées des berges (berges peu diversifiées
à gauche et très diversifiée à droite) :
Mesure de la biodiversité.
Méthode
de l'inventaire.
Pour
dresser cette liste, nous avons simplement mis 1 pour les espèces
présentes sur un tronçon et 0 pour les espèces absentes sur ce
tronçon. Ensuite, nous avons retiré de la liste de départ les
espèces qui n'ont été observées sur aucun tronçon. Finalement, nous
avons compté le nombre d'espèces présentes (nombre de "1") sur chaque
tronçon. Voir l'inventaire.
Tableau de synthèse :
On
constate une forte corrélation du nombre d'espèces observées tant avec
le nombre d'années de pâturage qu'avec notre estimation initiale de la
biodiversité.
Il y a cinq sites qui s'écartent de cette relation :
- BBSE
& BBNO, il s'agit de deux sites issus d'une coupe à blanc d'épicéa,
sur lesquels la végétation commence à s'installer. Il est donc tout à
fait normal que le nombre d'espèces y soit plus faibles; et donc que
cette méthode sous-estime la biodiversité de ces deux sites.
- LFM
& LFE, il s'agit de la mare et de l'étang. Cela est probablement dû
au fait que, pour ces deux sites, la longueur des berges étudiées est plus faible
que pour les autres tronçons.
- LFAE, cette méthode semble indiquer que l'estimation initiale de sa biodiversité a été légèrement sous-estimée.
Méthode
de la rareté.
Pour
dresser cette liste, nous avons retiré de la liste d'inventaire ci-avant les espèces autres que plutôt rares pour la région. Ensuite, nous
avons compté le nombre d'espèces rares présentes (nombre de "1") sur chaque
tronçon. Voir l'inventaire.
Tableau de synthèse :
La corrélation du nombre d'espèces rares observées avec
le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation initiale de la
biodiversité est ici encore plus élevée qu'avec la méthode précédente.
Seulement deux sites s'écartent de cette relation :
- FFRI,
semble plus riche qu'initialement prévu, mais les espèces rares de ce
tronçon sont quasi toutes situées sous un gros frêne dont l'ombrage
estival freine fortement l'installation des plantes envahissantes.
Probablement que ce tronçon n'est pas représentatif et qu'il devrait
être retiré de l'étude ?
- LFM, la
mare semble à nouveau plus pauvre qu'initialement prévu, alors
que l'étang se place à présent correctement avec cette méthode. La
mare serait donc effectivement très pauvre, indépendamment de sa faible
longueur de berge ?
Méthode
des bioindicateurs.
Préalablement à
l'application de cette méthode, il nous paraît intéressant de faire
remarquer que nos essais de corrélations de la présence d'espèces par
espèces avec le pâturage ou la
biodiversité ne donne rien d'intéressant, il faudrait probablement
travailler avec leur abondance... C'est donc bien la présence d'un
ensemble d'espèces (et non d'une ou de quelques espèces) qui permet de
déterminer la qualité d'un site.
Préalablement à l'établissement des 3 listes (D, Q & R), nous sommes parti de l'inventaire de départ auquel nous avons retiré les ligneux de grandes tailles sur lesquels les poney ont peu d'action. Nous avons également retiré les espèces occasionnelles, c-à-d les espèces non rares présentes sur seulement 1 ou 2 sites sur les 11; ainsi que les espèces généralistes c-à-d les espèces présentes sur 9, 10 ou 11 sites.
Pour
les espèces rares, nous avons retiré de la liste R les
espèces rares présentes sur 5 à 8 sites (Violette des marais,
Wahlenbergie,
Géranium des bois, Jonc couché, Stellaire des bois, Bistorte) pour les
mettre sur
la liste Q comme bio-indicateur de qualité d'habitat.
Les 36
espèces restantes ont été mises soit sur la liste Q (qualité
d'habitat), soit sur la liste D (dégradation), soit éliminées, selon
leur tendance à suivre la biodiversité estimée ou leur tendance à se rencontrer sur les sites rudéralisés, les friches, les coupes forestières...
Voir l'inventaire.
Tableaux de synthèse :
La
corrélation des listes Q & R avec
le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation initiale de la
biodiversité est ici très élevée, ce qui est tout à fait normale, vu
que les espèces de la liste Q ont été sélectionnées pour être en
corrélation avec notre estimation initiale de la
biodiversité.
Par
contre, les corrélations de la liste D vont en sens inverse de nos
attentes : le pâturage ne fait pas diminuer le nombre d'espèces
indicatrices d'une dégradation de l'habitat. Les coefficients obtenus
étant à mi-chemin de 0 et +1, il nous est impossible de déterminer si
ce nombre d'espèces indicatrices d'une dégradation de l'habitat est indépendant ou augmente avec le pâturage.
Au final (combinaison des trois listes), cette méthode reste en forte corrélation avec
le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation initiale de la
biodiversité. Mais avec 4 tronçons qui s'écartent de cette relation, sans pouvoir logiquement interpréter ces écarts... Pour la liste D,
il apparaît évident qu'il serait plus judicieux de travailler avec
l'abondance de ces espèces, plutôt que simplement avec leur présence...
Méthode
de l'indice de qualité d'habitat (IQH).
Pour
la liste D nous avons retenu les 5 espèces les plus problématiques dans
la gestion des sites : le Galéopsis tétrahit, la Grande ortie, la
Balsamine de l'Himalaya, les Ronces et la Reine-des-prés.
Pour la liste Q
nous avons retenu les 5 espèces les plus représentatives de la qualité
des sites : la Bistorte, le Géranium des bois, la Wahlenbergie, le Jonc couché et la Violette des marais.
La liste R est identique à celle de la méthode précédente.
Pour les plantes des listes Q & D, nous avons utilisé les coefficients
d’abondance décrit dans la méthode Braun-Blanquet. La liste R ajoute 0.5 pt de bonus par espèces présentes à l'abondance
de la liste Q.
Voir les
relevés d'abondance.
Tableau de synthèse :
La
corrélation de l'abondance des listes Q & R avec
le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation initiale de la
biodiversité est très élevée, malgré que la liste Q ne comporte seulement que 5 espèces.
Les corrélations de l'abondance de la liste D corresponde mieux à nos
attentes : le pâturage ne fait pas augmenter l'abondance des espèces
indicatrices d'une dégradation de l'habitat. Les coefficients obtenus
étant à mi-chemin de 0 et -1, il nous est impossible de déterminer si
cette abondance
d'espèces indicatrices d'une dégradation de l'habitat est indépendant
ou diminue avec le pâturage. Remarquons que cette liste ne comporte que
5 espèces particulièrement ingrates : la régression de ces espèces
nécessite généralement des interventions complémentaires au pâturage
: fauchage ou arrachage. L'élargissement de cette liste à 10 espèces
permettrait probablement des conclusions plus marquées...
Au final (combinaison des trois listes), cette méthode reste en forte corrélation avec
le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation initiale de la
biodiversité. Mais avec 5 tronçons qui s'écartent de cette relation :
- FFRI, comme déjà mentionné, probablement que ce tronçon n'est pas représentatif et qu'il devrait
être retiré de l'étude ?
- LFM, la
mare semble à nouveau plus pauvre qu'initialement prévu, alors
que l'étang se place à présent correctement avec cette méthode. La
mare serait donc effectivement très pauvre, indépendamment de sa faible
longueur de berge ?
- BBSE
& BBNO, il s'agit de deux sites issus d'une coupe à blanc d'épicéa,
apparemment nous avons sous-estimé la biodiversité de ces deux
sites.
- LFAC & LFAE, à nouveau une inversion de ces deux sites. Cette méthode semble indiquer que l'estimation initiale de la biodiversité de LFAC a été légèrement sur-estimée.
Comparaison des différentes méthodes de mesure de la biodiversité.
En comparant les analyses des 4 méthodes, il ressort que :
- La mare (LFM) a été sur-évaluée (conclusions de plusieurs méthodes) lors de notre estimation initiale de la
biodiversité.
Cette mare est située sur un site initialement très riche sur lequel a
été fait un essai d'abandon. Le site s'est rapidement dégradé au cours
de cet abandon. Ce manque d'objectivité lors de la première estimation
de sa biodiversité est probablement dû aux souvenirs de la richesse
initiale de ce site.
- Le tronçon LFAC a été sur-évalué (conclusions de plusieurs méthodes) lors de notre estimation initiale de la
biodiversité.
Ce tronçon est située sur un site très riche sur lequel a été fait
un essai de réduction de la pression du pâturage en vue d'être plus attractif pour les papillons. La biodiversité de ce
site aurait-elle baissée lors de cet essai sans que nous ne nous en
apercevions ? Ce site est suivi via des photographies mensuelles
depuis une dizaine d'années. En revisionnant ces photos, nous avons
effectivement constaté une lente et progressive dégradation coïncidant
avec la réduction de la charge de pâturage.
- Le tronçon FFRI n'est pas représentatif.
- BBSE
& BBNO, il s'agit de deux sites issus d'une coupe à blanc d'épicéa,
apparemment nous avons sous-estimé la biodiversité de ces deux
sites. Le site pâturé BBNO comporte encore peu d'espèces, mais est en
très bonne voie de restauration : c'est lui qui obtient notre meilleur
score avec la dernière méthode. Le fait de démarrer le pâturage sur un
site mis à nu permet de maîtriser immédiatement les plantes
dégradatrices de l'habitat. C'est comme si le pâturage avait été mené
sur ce site depuis plus d'une décennie.
Cette
étude met également en évidence l'utilité d'utiliser des méthodes
objectives de mesure de la biodiversité. Notre estimation initiale de
la biodiversité s'est avérée incorrecte pour la moitié des tronçons
étudiés : sous-estimation des sites issus de mise à nu du terrain,
sur-estimation des sites en voie de dégradation (souvenir des fastes
d'antan), sur-estimation
des sites sur lesquels une action en faveur de la biodiversité est
menée (on croît voir des améliorations inexistantes)...
Aussi nous apportons les modifications suivantes à nos données de départ :
- LFM : diminuer son estimation de biodiversité de 2 à 1; LFPAS : rehausser son estimation de biodiversité de 1 à 2.
- LFAC : réduire son estimation de biodiversité de 9 à 8, vu qu'elle avait été sur-estimée.
- Suppression du tronçon FFRI de l'étude, car non représentatif.
- BBSE : rehausser son estimation de biodiversité de 3 à 4, ainsi que réduire les années d'abandon de -5 à -1 pour tenir compte de la mise à nu du terrain par la coupe à blanc.
- BBNO : rehausser
son estimation de biodiversité de 6 à 10, ainsi qu'augmenter les années de pâturage de 2 à 10 pour tenir compte de
la mise à nu du terrain par la coupe à blanc.
Tableau et graphique de synthèse :
Lien graphique entre Estimation de la biodiversité et nombre d'années de pâturage (+) ou d'abandon (-).
Le coefficient de corrélation entre "Estimation
de la biodiversité" et "nombre d'années de pâturage" est de 85%. Cela permet
d'affirmer que le nombre d'années de pâturage à très faible charge augmente la biodiversité des berges ; et inversément que l'abandon sur de longues années réduit fortement la biodiversité des berges.
Réévaluation des quatre méthodes.
Suite à cette modification des paramètres de départ, nous devons réévaluer les quatre méthodes de mesure de biodiversité.
Méthode
de l'inventaire.
Voir l'inventaire.
Tableau de synthèse :
Les
coefficients de corrélation sont trop faibles. Cette méthode ne permet
donc pas d'évaluer correctement la biodiversité des sites pâturés. Ce
sont notamment les sites issus de coupe à blanc (BBSE & BBNO), les
tronçons courts (LFE) et les sites en voie de dégradation (LFAC) qui
sont mal évalués.
Méthode
de la rareté.
Voir l'inventaire.
Tableau de synthèse :
Les
coefficients de corrélation sont justes en-dessous de la limite de 70%
que nous nous étions fixées. Cette méthode est acceptable pour la
majorité des sites, sauf pour les sites issus d'une mise à blanc (BBSE & BBNO).
Cette méthode nous permet d'affirmer (corrélation de 69%) que le nombre d'années de pâturage à très faible charge augmente le nombre d'espèces rares ; et inversement que l'abandon sur de longues années réduit fortement le nombre d'espèces rares présentes sur les berges.
Méthode
des bioindicateurs.
Voir l'inventaire.
Tableaux de synthèse :
Les faibles corrélations de la liste D nous permettent d'affirmer que le nombre d'espèces indicatrices d'une dégradation de l'habitat est indépendant du pâturage.
La
corrélation des listes Q & R avec
le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation de la
biodiversité est élevée.
L'étude de la liste D est donc inutile pour cette méthode, voire nuisible vu qu'elle en diminue la lisibilité.
L'analyse des seules listes Q & R est utile et acceptable pour la majorité des sites, sauf pour les sites issus de coupe à blanc (BBSE & BBNO) et les tronçons courts (LFE).
Méthode
de l'indice de qualité d'habitat (IQH).
Voir les
relevés d'abondance.
Tableau de synthèse :
La
corrélation de l'abondance des listes Q & R avec
le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation de la
biodiversité est très élevée, malgré que la liste Q ne comporte seulement que 5 espèces.
Les corrélations de l'abondance de la liste D correspondent mieux à nos
attentes : le pâturage ne fait pas augmenter l'abondance des espèces
indicatrices d'une dégradation de l'habitat. Les coefficients obtenus
étant à mi-chemin de 0 et -1, il nous est impossible de déterminer si
cette abondance
d'espèces indicatrices d'une dégradation de l'habitat est indépendant
ou diminue avec le pâturage. C'est pour les tronçons court (LFM &
LFM) et les abandons de mise à blanc (BBSE) que l'effet du pâturage est
ambigu, sur les autres sites le pâturage fait clairement diminuer
l'abondance des espèces
indicatrices d'une dégradation de l'habitat.
Remarquons que cette liste ne comporte que
5 espèces particulièrement ingrates : la régression de ces espèces
nécessite généralement des interventions complémentaires au pâturage
: fauchage ou arrachage. L'élargissement de cette liste à 10 espèces
permettrait probablement des conclusions plus marquées...
Au final (combinaison des trois listes), cette méthode est en très forte corrélation avec
le nombre d'années de pâturage et avec notre estimation de la
biodiversité. Tous les tronçons suivent cette relation ! De toutes les
méthodes testées, c'est la plus précise, la plus fiable (fonctionne
dans tous les cas), tout en étant la plus simple à mettre en oeuvre sur
le terrain !
Réponses aux questions de l'étude.
Réponse
à la question 1 : Le pâturage fait régresser la Balsamine de l'Himalaya.
Pour les sites fortement infectés, lors de la première année de pâturage,
il faut compléter le pâturage par un fauchage des balsamines avant
leurs mises en graines (juillet-août). Ensuite, les plantes invasives
et envahissantes régressent sous l'action du pâturage
extensif, sans pour autant les faire disparaître... Tout relâchement du
pâturage va donc conduire à une recolonisation rapide du site à partir
de ces quelques individus disséminés. Des signes de reprise de terrain
par la Balsamine ont été constatés après une seule année d'abandon. Il
est donc essentiel de maintenir la gestion par pâturage dans le temps.
Réponse
à la question 2 : Le pâturage très extensif n'est pas néfaste aux espèces rares, que du contraire.
Les
sites pâturés extensivement accueillent de nombreuses espèces rares
dont les quelques espèces rares observées sur les sites non pâturés.
Dans notre étude, le pâturage à très faible charge n'a jamais conduit à
la disparition d'espèces rares.
Réponse
à la question 3 : Liste d'espèces indicatrices d'un bon état de biodiversité des berges.
Nous
avons identifié 19 plantes indicatrices du bon état de conservation
des berges en Haute Ardenne. Pour d'autres régions, cette liste doit
être adaptée en suivant la même méthodologie que celle de notre
étude.
Réponse
à la question 4 : La méthodes (IQH) est la plus efficace pour "mesurer" la biodiversité en toutes situations.
La
méthode de l'inventaire est inefficace et est à déconseiller.
Celle de la rareté et des bioindicateurs donnent toutes les deux une mesure acceptable de la biodiversité.
La méthode de l'indice de qualité d'habitat (IQH) nous a donné de bonne
mesure
de la biodiversité dans toutes les situations. C'est de plus la méthode
la plus légère à mettre en oeuvre, mais il faut avoir fait un choix
judicieux des indicateurs (listes Q, D & R). Dans ce cas, elle
permet de voir si un plan de gestion va dans le bon sens dès la
première année de sa mise en application.
Nous recommandons donc
d'utiliser la méthode de
l'indice de qualité d'habitat (IQH).
Elle nécessite
un gros travail de choix des indicateurs, mais ensuite c'est la méthode
la plus simple à utiliser sur le terrain et la plus généraliste pour
suivre l'évolution de la biodiversité d'un site.
Réponse
à la question 5 : Le pâturage très extensif améliore fortement la biodiversité des berges.
Le pâturage extensif à très faible charge est fortement corrélé à la biodiversité des berges (85%).
Les principales sources de cet apport de biodiversité par le pâturage sont :
- la régression des plantes dominantes,
- l'abaissement de la hauteur de la végétation,
- la limitation d'accumulation de litière (vieux foins sur pied) au sol,
- la création de mosaïques d'habitats découlant de l'hétérogénéité de la hauteur de la végétation.
Réponse
à la question 6 : L'abandon, le pâturage intensif, le nourrissage et la plantation d'épicéas dégradent les berges.
1°) L'abandon
est certainement ce qui dégrade le plus la biodiversité des berges :
l'abandon conduit à l'installation massives de plantes dominantes
(Reine des prés, Orties) et invasives (Balsamine de l'Himalaya). L'été, les
ruisseaux et petites rivières sont noyées sous la végétation qui forme
un tunnel opaque au-dessus de l'eau. Cette inaccessibilité de l'eau
semble néfaste au Cincle plongeur et au Martin pêcheur.
La
Balsamine ayant un faible enracinement, il y a probablement
un risque d'érosion des berges lors des crues et de colmatage du fond
du cours d'eau avec les limons.
2°) Le pâturage intensif
détruit complètement le profil des berges. La crête de la berge
s'effondre complètement sous le piétinement des bovins. La transition
terre-eau se fait alors en pente douce, avec augmentation progressive
de l'humidité à l'approche du cours d'eau (écotone peu marqué). Dans le cas de berges
intactes, la crête de la berge permet une transition brusque
terre-eau (écotone très marqué) qui serait apparemment favorable à la biodiversité des
berges. En effet, même après abandon du pâturage intensif, la flore ne
se diversifie que peu. Contrairement à l'abandon, il s'agit ici d'une
destruction durable des berges qui ne pourront réacquérir leur profil
originel qu'après des décennies d'érosion naturelle du lit mineur du
cours d'eau...
Si ce pâturage intensif se fait avec nourrissage
des animaux, le sol s'enrichit fortement en nitrate. L'Ortie s'installe
massivement et forme une dynamique d'envahissement en association avec
la Balsamine de l'Himalaya. Il faudra plusieurs années (4 à 6 ans ?,
essai en cours) de pâturage extensif pour appauvrir la fertilité du
sol... Nous conseillons également dans ce cas de faire des fauchages
réguliers pour avoir une bonne pénétration des animaux dans ces massifs.
3°) La plantation d'épicéas
modifie également le profil des berges : l'eau vient éroder les berges
sous les racines traçantes des conifères. Ainsi, une partie de la berge
se retrouve en surplomb et s'assèche.
Avant la coupe, la biodiversité
au sol est nulle (tapis d'aiguilles mortes au sol sans végétation).
Après la coupe et évacuation des rémanents, la strate herbacée
s'installe lentement, mais il est capital de démarrer le pâturage
extensif dans l'année qui suit la coupe pour éviter l'installation des
plantes dominantes. Dans ce cas une flore diversifiée s'installera peu
à peu. La mise en surplomb de portion de berges ne semble pas nuire à
l'installation de la biodiversité, tout au plus nous y avons remarqué
l'installation de plantes de sols moins humides comme la Myrtille ou la
Callune. Le profil originel devrait progressivement se restaurer avec
le pourrissement des souches qui maintiennent ces surplombs.
4°) Le pâturage extensif avec une charge inadaptée
(supérieure à 0.4UGB/Ha.an) épargne la flore, mais reste dommageable
pour la faune. Si nous avions pris des indicateurs entomologique (ex:
abondance de criquets et de papillons), nous aurions obtenu des
résultats nettement moins "sympathiques" pour la zone parking (LFAE).
Une charge inadaptée va également conduire à un effondrement localisé
des berges aux points de traversée du cours d'eau par les poneys. Par
contre les digues des mares et étangs semblent parfaitement supporter
de telles charges. Pour éviter ces problèmes, il faut impérativement
travailler à très faible charge ( de l'ordre de 0.15UGB/Ha.an) : c'est
ce mode de gestion qui a donné les meilleurs résultats dans notre étude.
Réponse à la question 7 : Lignes directrices d'une gestion optimale des berges.
Idéalement
la gestion ne devrait pas se limiter aux berges, mais être étendue à
tout le lit majeur du cours d'eau (voire aux bas de pentes de la
vallée) afin d'avoir une largeur suffisante (minimum 100m) de part et
d'autre du cours d'eau ou du plan d'eau pour y envisager une gestion
par pâturage extensif.
Ce pâturage extensif doit être réalisé aux conditions suivantes :
1°)
Pâturage avec des poneys ou chevaux primitifs (ex : Fjord, Camargue) et
exclure les bovins qui iront patauger dans l'eau par temps chaud...
2°) Laisser
libre accès pour les animaux aux berges, aux îlots ; laisser la
possibilité aux animaux de traverser le cours d'eau tout au long de son
parcours sur le site.
3°) Les animaux doivent être habitués à pâturer ce genre de milieu (ou alors prendre des animaux très jeunes qui
s'adapteront plus rapidement), sinon il y aura de gros soucis de
circulations des animaux sur le site (surpâturage des zones sèches, pas
de traversée de la rivière, pas de pénétration en zone marécageuse...).
4°) Travailler à très faible charge (0.15UGB/Ha.an).
5°) Pas de nourrissage des animaux.
6°) Le pâturage doit être maintenu au fil des ans, des signes de dégradation apparaissent déjà après un an d'abandon.
7°)
Le pâturage doit être réparti sur une majeure partie de l'année (peu
d'animaux sur plusieurs mois) de manière à maintenir au fil des saisons
une hétérogénéité dans la hauteur de la végétation (mosaïque de
végétation basse et haute).
8°) Suivre l'évolution du site avec
la méthode de l'indice de qualité d'habitat (IQH), ainsi que la prise
de photos d'années en années de milieux typiques, afin d'éventuellement
adapter le mode de pâturage à l'évolution du site.
NB : dans le cas de mise à blanc : démarrer le pâturage endéans l'année de la coupe.
Texte :
Coralie HUBERTY & Marc
PHILIPPOT - Photos
: Marc PHILIPPOT - Version du 06/02/2015